Point sur le conflit qui bouscule le Soudan

Il y a maintenant plus de 20 jours qu’un conflit a éclaté au plein cœur du Soudan. Les combats perdurent sur l’ensemble du territoire et pour la première fois dans l’Histoire du pays, touchent la capitale, Khartoum.

Ce conflit oppose l’armée régulière coordonnée par l’actuel président du conseil Abdel Fattah Al-Burhan aux forces paramilitaires sous le commandement Mohamed Hamdan Dogolan connu sous le surnom « Hemeti ». Le second officie en qualité de vice-président depuis 2021. C’est en somme, une course sanglante pour le pouvoir qui s’est engagée. Une ironie du sort au vu de leur alliance passé. En outre, les deux militaires se sont associés en 2019 pour précipiter la chute d’Omar Al bachir. Le dictateur a fait régner pendant 30 années, se hissant au pouvoir en 1989, la terreur sur la population. Cette ère marqua un enfoncement du pays dans l’autoritarisme et la pauvreté en vertu de l’embargo international. Omar Al Bachir à échappé dernièrement à un procès à la cour pénale internationale pour crimes de guerre. La caste militaire a répondu à un appel du peuple, lui qui s’est uni dans la rue. La transition démocratique semble alors, pouvoir s’enclencher. Mais, les choses se sont passés autrement, et le pouvoir aux mains des militaires est retombé dans les travers du passé.

Al- Burhan refuse depuis 2019, la proposition d’Hemeti d’intégrer les forces de soutien rapide (Forces paramilitaires) à l’armée régulière. Un point de tension qui a joué un rôle de catalyseur dans la guerre actuelle. De par son positionnement géographique et son Histoire, le Soudan évolue dans un environnement hostile. Les islamistes radicaux représentent une menace perpétuelle. Le groupe Boko Haram démontrait il y peu sa présence dans l’ouest du territoire.

Face à l’intensité des combats, des milliers de soudanais ont dû se résoudre à fuir. Nombre ambassades ont acté le rapatriement de leurs ressortissants, à l’instar de la France, des Etats-Unis ou de l’Arabie saoudite. Les pays voisins tels que le Tchad ou l’Egypte voient affluer une vague de migration. Pour ceux encore présents sur le sol soudanais, le chaos mine le quotidien. Les organisations non gouvernementales redoublent d’efforts pour approvisionner les civils en vivres et apporter une assistance médicale aux blessés. Mais, leur action se voit paralyser dans certaines artères inaccessibles de par la dangerosité. Nombreuses sont les familles à ne pouvoir s’alimenter. Le conflit amplifie la crise économique qui impacte le Soudan. Riche de par ses ressources, que ce soit ses réserves en or et en hydrocarbures, la population subsiste en grande majorité très pauvre. D’après les données répertoriées par la banque mondiale, en 2016, 82 % de soudanais vivaient sous le seuil de pauvreté là où à titre de comparaison la France affiche une valeur de 14,5 %. Cet épisode plonge l’Etat africain dans une nouvelle phase d’instabilité autant politique qu’économique.

Le conflit a pris rapidement une dimension régionale. De par et d’autre, les belligérants ont noué des alliances et réhabilités celles passées. Alors, que l’armée régulière jouit du soutien crucial des Etats Unis et de son voisin égyptien, le clan d’Hemeti peut compter sur la fidélité des Emirats arabe unis, de l’Ethiopie, de l’Erythrée et de la Russie indirectement via le groupe militaire privée Wagner. Pourtant, aucun des deux parties à pris l’ascendant sur le plan militaire. Les deux commandants justifient d’une large expérience dans le domaine et savent de surcroit mobiliser stratégiquement leurs ressources. D’aucuns redoutent un prolongement des combats sur le long terme, autrement dit, une guerre d’usure. L’armée régulière disposerait tout de même d’un avantage vis à vis de son rival. Elle est dotée d’avions de combat, à la différence des FSR forcés de batailler au sol via ses unités motorisés. Néanmoins, le contexte urbain rend les avions moins utiles.

Les spécialistes semblent pessimistes quant à la suite des évènements. Peu présagent un rapide retour au calme. La trêve n’est pas d’actualité. Pour cause, aucun des deux partis se montre disponible à négocier autour d’une table. La perspective d’un cessez le feu et de la ratification d’un processus paraît pour aujourd’hui lointain. L’objectif de l’armée régulière est connu et n’admet aucune concession : le démantèlement pure et simple des forces de soutien rapide.

La communauté internationale s’active dans l’ombre pour apaiser les tensions. Les Etats – Unis et l’Arabie saoudite ont revêtus leur cape de médiateur. Aucun autre acte n’est à notifier. L’action internationale reste en l’état négligeable et ne pèse que très peu sur l’orientation du conflit.

Après plusieurs jours d’affrontement, des dégâts matériels importants sont à déplorer. Les bombardements ont causé la destruction de multiples habitations. Certaines infrastructures publiques ont été prises à partis tel que plusieurs hôpitaux. Lors de la première journée, les FSR se sont emparés de l’aéroport international bloquant les liaisons avec l’extérieur. Pour autant, l’armée dément les déclarations des forces paramilitaires quant à la prise du palais résidentiel du président du conseil. Face à l’escalade de la violence, les autorités annonçaient le 16 avril un jour férié afin de protéger les civils. Les deux parties se sont entendus sur l’ouverture de couloirs humanitaires. Néanmoins, le dernier décompte officiel datant du 29 Avril renseigne plus de 530 morts et 5000 blessés. Un bilan qui s’alourdit à chaque journée de conflit.

Le conflit laisse entrevoir une vaste campagne de désinformation. Chacun des deux clans cherche a valoriser l’action de ses troupes. La chaine Al-jazzera rapportait que la vidéo montrant Al-Burhan à proximité d’un corps de blindé remonte à avant le conflit. L’armée régulière incrimine dans le même temps, les FSR d’avoir saboté le réseau de télécommunications. La majorité de la capitale est toujours privé d’accès internet.

Si les civils subissent très durement les conséquences des combats, l’espoir de la fondation prochaine d’un régime démocratique continue à nourrir les esprits. Malheureusement, aucun des deux groupes armées ne semble soutenir un tel projet de société. En début d’année, des hordes de civils défilaient déjà pour exiger la destitution de Al-Burhan. Le processus révolutionnaire engagé à la chute de El-Béchir va devoir s’intensifier pour espérer combler cette aspiration.

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