Queer comme Bologne, la ville la plus colorée d’Italie

En Italie, dans la région d’Emilie Romagne, Bologne est souvent considéré comme ouverte, tolérante, et  » queer-friendly ». La ville de 400 000 habitants offre un environnement sûr, sécurisant aux personnes appartenant à la communauté LGBTQ+, lesbiennes, gays, bi, trans, ou, en général, aux personnes queer. Mais que signifie être  » gay-friendly  » dans un pays où l’église catholique est fortement représentée et ancrée dans la culture ?


Se promener main dans la main dans une ville est la chose la plus commune quand on est amoureux. Du moins, cela devrait l’être. Un homme et une femme : un couple hétérosexuel, peuvent montrer leur amour en public sans craindre d’être harcelés. Ils n’ont pas à craindre d’être insultés simplement parce qu’ils s’aiment. Dans certaines villes, certaines régions ou même certains pays, le fait de ne pas correspondre à ce spectre de relations entre sexes opposés peut amener à de graves conséquences. Cela peut inclure la discrimination, le fait d’être interpellé en public, ou même signifier une condamnation à mort.

« Ici, je ne me sens pas jugé »

déclare Andrea Fantini, un étudiant qui vit à Bologne

Le fait de ne pas avoir à se sentir  » bizarre « en affichant son homosexualité est une chose qu’Andrea Fantini, étudiant, apprécie dans cette ville. En se promenant dans les rues de la ville, on peut voir des drapeaux arc-en-ciel suspendus aux fenêtres, on trouve des inscriptions sur les murs des maisons qui vont de « Antifa Bologna » à « Smash Patriarchy » en passant par « Fuck Sexism« . Des signes qui prouvent l’orientation politique de la ville.

Histoire des mouvements gay à Bologne

Surnommée la  » Rossa « , la  » Rouge  » pour la couleur de ses bâtiments, mais aussi pour son héritage politique communiste, Bologne est reconnu comme un bastion politique de gauche.

De 1945 à 1999, la ville n’a connu que des maires de gauche, soulignant la forte orientation politique. Un grand esprit progressiste, largement influencé par la présence de la plus ancienne université d’Europe. Fondée en 1088, l’Université de Bologne revendique des valeurs humanistes et des idéaux de progrès commun et de tolérance. Si l’on voit aujourd’hui de nombreux drapeaux LGBTQ+ ou de nombreuses personnes de la communauté LGBTQ+ venir étudier ici, l’une des raisons s’explique par l’héritage politique de la ville.

Au début des années 1970, le mouvement gay Italien est né à Bologne grâce à de nombreux étudiants et militants venus y étudier. Des étudiants du monde entier ont contribué à rendre plus visibles les revendications de la communauté gay. Bologne a eu un impact considérable sur les droits des homosexuels : la première association gay d’Italie, le « Cercle de la culture homosexuelle du 28 juin », est née en 1978 à Bologne et y est restée active jusqu’à aujourd’hui. Par ailleurs, Bologne a été la première ville italienne à créer un symbole public en souvenir de la persécution nazie des personnes gays, des lesbiennes et des transsexuels.

Lieu de naissance des premiers mouvements homosexuels en Italien, Bologne le  » San Francisco Italien  » est devenu le nouveau lieu politique d’expression culturelle et d’identité dans un pays très religieux. Les personnes qui n’appartiennent pas au spectre hétéronormatif et tendent donc à être considérées comme « différentes » se sentent moins jugées et mieux acceptées. Aujourd’hui, la capitale de l’Émilie-Romagne est l’une des destinations les plus gay-friendly d’Europe, reconnue pour sa qualité de vie et son ouverture d’esprit. Par exemple, une brochure publiée par la ville elle-même présente des lieux accueillants pour les homosexuels, tels que le Palazzo D’Accursio, la zone universitaire et la Salara, entre autres. La Gay Pride, qui a lieu chaque année en juin, a une grande importance à Bologne. Depuis 1995, les gens de toute l’ Italie, marchent dans les rues de Bologne pour se célébrer et être fiers d’eux-mêmes, de leur identités.

La Gay Pride à Bologne en 2016 / Crédits : Michelle Lapini

Le Cassero : l’Importance des espaces  » queer « 

Au nord-ouest de Bologne, le Cassero est un QG pour les personnes homosexuelles qui se sentent en sécurité. Lieu incontournable pour la communauté LGBTQ+ et pour les fêtes homosexuelles, le site accueille le premier centre LGBTQ+ d’Italie, qui a commencé ses activités en 1982. Le Cassero appartient à un comité appelé « Arcigay », une association politique qui défend les droits des gays, des lesbiennes, des bi et des transsexuels. Actuellement,  » Arcigay  » coordonne plus de 100 clubs en Italie, dont le siège se trouve à Bologne, précisément dans ce centre. Cette organisation est l’endroit le plus sûr pour les personnes qui s’identifient comme queer.

Personne queer : orientation sexuelle ou identité de genre qui n’est pas hétérosexuelle ou cisgenre.

« En tant que personne queer, je me sens plus libre à Bologne ».


Andrea Fantini a beaucoup à dire sur la vie à Bologne en tant qu’étudiant homosexuel. Originaire de Ferrare, cet étudiant vit à Bologne depuis deux ans pour ses études d’histoire à l’université de Bologne.

 » De nombreux gouvernements locaux italiens sont tristement célèbres pour leurs opinions rétrogrades, réactionnaires concernant les droits des personnes homosexuelles, et cela se manifeste par des lois homophobes.  »

En 2021, le Parlement italien a été le théâtre d’un débat politique majeur au sujet de la loi Zan, une loi anti-homophobie qui porte le nom de son initiateur, l’homme politique Alessandro Zan (Parti démocrate). Le texte de la loi prévoyait, entre autres, de prévenir et de punir la discrimination à l’encontre des personnes sur la base de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur identité. L’homophobie aurait été assimilée au racisme dans le code pénal. Les peines d’emprisonnement auraient été une conséquence judiciaire possible menacée. En fin de compte, le parlement italien a rejeté l’introduction d’une loi contre l’homophobie. Les partis de droite Lega et Fratelli d’Italia, en particulier, étaient opposés au projet de loi.


 » Dans de nombreux pays et petites villes, les gens ne se sentent pas en sécurité pour s’épanouir librement : les hommes ont peur de se maquiller ou de s’habiller à l’encontre de la norme de ce que les hommes « devraient » porter, c’est-à-dire de ne pas se montrer masculins.  » À Bologne, ce n’est pas le cas, déclare Andrea. Il considère que c’est une ville sûre parce qu’elle est de gauche et que le maire a des convictions de gauche.

crédits : Massimo Paolone
crédits : Massimo Paolone

 » En tant que personne queer , je me sens plus libre ici que dans ma ville s’origine, Ferrare, par exemple. Ici, je ne me sens pas jugée. Je peux marcher main dans la main avec mon partenaire sans qu’il y ait de regards gênés. De plus, la Gay Pride ici est incroyable et les gens viennent de partout pour cet événement. L’été dernier, il y avait des milliers de personnes même si les défilés ont été annulés à cause de Covid. Bologne ressent ces idées, elle y participe. C’est ici qu’est né le premier club LGBTQ+ d’Italie, Cassero ! « 

À propos du Cassero, Andrea souligne que la principale raison pour laquelle il s’y rend est pour les gens. « L’environnement est plus sûr, l’endroit est grand et peut accueillir beaucoup de monde. Bien situé, il se trouve près du parc Giardino del Cavaticcio et, surtout en été, c’est très beau et agréable. Je choisis toujours le Cassero pour les gens, la musique et les événements qu’ils organisent. C’est le meilleur endroit pour nous ( personnes queer ).« 

Le Cassero est étroitement associé à l’art. C’est un espace culturel qui organise souvent de nombreuses expositions d’art. Un grand espace rempli d’œuvres d’art et de personnes ouvertes d’esprit pour y travailler, permettant à l’art de s’épanouir. Comme nous l’avons vu ce centre LGBTQ+ fait partie intégrante de la société à bien des égards. Mais il s’agit avant tout d’une zone de sécurité pour tous, où chacun peut être lui-même. Ces pour ses raisons qu’il semble être aussi le premier choix de fête pour les personnes non homosexuelles. L’ambiance générale est incroyable de bienveillance. L’atmosphère respire la liberté, ouverte d’esprit et opposées à toute forme de racisme, de sexisme et de fascisme. Le Cassero est également une zone de sécurité pour les femmes, qui ne se sentent pas offensées ou violées de quelque manière que ce soit. La liberté, le bonheur, la créativité et l’expression sont les vertus fondamentales de cette institution queer.

Bologne, une utopie queer dans un pays majoritairement catholique ?

Bien que Bologne semble adopter une position particulière en termes d’ouverture d’esprit à l’égard de la communauté homosexuelle, le conservatisme général est toujours perceptible en Italie. Le fait que l’Église catholique soit non seulement sceptique à l’égard de l’homosexualité, mais qu’elle nie l’amour entre personnes de même sexe, a un impact considérable sur les opinions, façons de pensées et le développement politique du pays. Le rejet de la loi Zan en 2021 montre que l’Italie a encore beaucoup à faire en matière de tolérance à l’égard de la communauté LGBTQ+. C’est précisément pour cette raison que des institutions telles que le Cassero semblent encore plus importantes, car elles créent des espaces où les personnes homosexuelles peuvent se développer et se comporter librement sans craindre d’être jugées pour ce qu’elles sont.

Andrea espère qu’à l’avenir, davantage de villes italiennes s’ouvriront pour changer les mentalités et les croyances afin d’offrir des espaces sûrs aux personnes homosexuelles. Dans un pays comme l’Italie, où l’Église catholique exerce un tel pouvoir sur le gouvernement et la société, il est important d’attirer la lumière sur les sujets qui relèvent du spectre homosexuel, queer.

Article écrit lors de mon Erasmus à Bologne avec Elena Felicita Blüm, Eleni Katsamagkou, Stavros Tzanis 

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